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MORE MORE MORE... FUTURE

À BOGOTA

Par Virginie Dupray

Ça y est, ça va commencer…

Ou plutôt l’aventure a commencé des mois avant, avec les multiples tentatives d’obtention de visas pour des artistes congolais basés à Kisangani ou Kinshasa, à des milliers de kilomètres à la ronde du premier poste consulaire colombien…

Puis vint le voyage, plus d’une trentaine d’heures depuis Kinshasa, via Johannesburg, où l’un des artistes, Patient, pour des raisons non encore élucidées, rate sa connexion (il arrivera deux jours plus tard), et le Brésil, soit trois visas pour le prix d’un (visas de transit sud-africain et brésilien, en plus du précieux visa colombien finalement obtenu à Paris).

Enfin, l’arrivée à Bogota, ville chaos, ville magique entre montagne et forêts, à l’invitation du festival Experimenta / Sur et du Mapa Teatro.

Nourrie des histoires de cartels et de violence, l’équipe kinoise hésite à sortir de l’hôtel…

Nous jouons dans le théâtre Leon Greiff, celui de l’université. La salle est immense, peu adaptée, la technique sommaire, les équipes de régie réduites et le temps est compté.

À l’ouverture des portes, les artistes sont comme toujours déjà sur scène dans la pénombre, immobiles, la lumière jouant sur les costumes pailletés. La rumeur de la salle enfle, plus de 2000 personnes se pressent dans la salle (incroyable pour un spectacle qui ne s’est jamais joué devant plus de 500 ou 600 personnes), pour assister à un spectacle venu d’un pays dont, pour la plupart, ils n’ont jamais entendu parler.

Et si more more more… future met en scène Kinshasa et ses rêves rattrapés par le matin, cette comédie humaine à la congolaise, cette énergie puissante qui, l’espace de quelques heures, emplit le vide, des caisses de l’état et du quotidien, comble les trous des routes et des mémoires, rassasie les ventres et les fantasmes, la pièce pourrait aussi, à bien des égards, évoquer Bogota.

Avec peut-être cette nécessité commune de revenir à la rage, à la jubilation, au cri justement, cri des guitares, cri des voix, cri des corps, cri devant l’impossibilité du quotidien qui slalome entre les négations (pas d’argent, pas d’eau, pas d’électricité, pas de transport…) et les horreurs absurdes d’une histoire qui, dans les deux pays, s’est inventée chaque jour de nouveaux supplices.

Du futur, au Congo, en Colombie, il n’y en a plus depuis longtemps, alors justement en réclamer plus, et plus et plus encore… jamais trop.

Au dernier accord de guitare de Flamme sur Ainsi chantait Zarathoustra succède un étrange silence, puis s’élève comme une déferlante, une immense vague d’applaudissements, 2000 personnes qui se lèvent, 2000 paires de mains qui crépitent et une immense émotion qui demeure en nous de ce 1er avril 2017 où Kinshasa rencontra Bogota.

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