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ENTRETIEN AVEC FLAMME KAPAYA

Propos recueillis par Virginie Dupray

Novembre 2011

  • Banningsville, c’est un premier album solo après quinze ans de carrière, au sein de Maison mère avec Werrason pendant dix ans, puis aux côtés du chorégraphe Faustin Linyekula. Cet album s’inscrit-il pour toi dans une continuité ou est-ce au contraire une rupture, un nouveau départ ?

C’est à la fois un départ et un retour… Pas une rupture car j’assume et porte en moi toutes ces années et ces différentes expériences. Un retour, car avant d’intégrer Maison Mère, je travaillais seul, je composais déjà. Ensuite, pendant toutes ces années avec Werrason, grandissait en moi une parole que je n’arrivais pas vraiment à exprimer mais qui était là, bien en moi… Il me semble parfois que la musique a toujours habité en moi, qu’elle m’a littéralement appelé lorsque j’étais enfant…

Ces dix années avec Werrason furent une période très riche, très intense, avec cette grande notoriété qu’il fallait assumer, mais aussi l’impression très vite de jouer un rôle… De Kapaya Mwenie, je suis devenu « Flamme », Flamme Kapaya… Aujourd’hui, j’ai besoin de m’arrêter pour questionner un peu ce personnage, ce Flamme, et trouver la place de Mwenie dans tout cela…

Donc oui, à la fois, un retour, un retour aussi vers la voix, car avant d’apprendre la guitare, j’ai d’abord chanté et un retour vers mes racines, le Bandundu où sont nés mes parents… Et puis le besoin de construire mon chemin et d’avancer, d’explorer d’autres territoires, comme j’ai pu le faire ces dernières années avec Faustin…


  • Banningville est devenu Bandunduville après l’indépendance… Quelle est la place du Bandundu dans cet album ? Vous évoquez un retour à vos origines…

Cet album a débuté avec mon retour dans le village de mes parents en février 010.  Je parle de retour, car même si je n’y étais jamais allé, les noms des villages du Bandundu ont baigné mon enfance… Des noms de lieux, des noms de personnes, le grand-père Louison un  peu sorcier, grand musicien, qui m’a peut-être transmis sa musique par-delà les forêts jusqu’à Kinshasa où j’ai grandi, Maman Jacqueline, ma mère et mon père… Des histoires de famille, de mauvais sorts : mon père revenu enterrer sa femme, ma mère, eut un accident très grave sur le retour, alors même qu’il venait d’être maudit par sa famille maternelle… Tout cela faisait que j’avais peur de revenir, comme beaucoup de Congolais de la ville craignent de revenir dans leurs villages. Mais l’appel a été plus fort et je suis parti donc un peu plus de deux semaines là-bas avec mon frère aîné, nous y sommes retournés ensuite avec Faustin quelquies mois plus tard. Ce voyage m’a profondément bouleversé…

Lorsque je suis arrivé après plusieurs jours de route, je n’ai pas pu entrer dans la maison familiale, je n’ai pas pu parler. Il me fallait porter le deuil de tous ceux qui sont partis depuis ma naissance. Après une nuit de veillée juste devant la maison, un peu de vin de palme et un peu d’argent pour les clous du cercueil et le linceul, j’ai pu finalement entrer et nous avons parlé de longs soirs, de longues journées. Les secrets de famille, le quotidien, les lendemains…

Et le Bandundu est bien sûr dans l’album avec la puita, un instrument traditionnel, joué par Kolo Kwanga, ou les rythmes du Makwa Ndungu, cette musique inventée par Beaudoin Mavula, lui aussi fils du Bandundu, dans les années soixante…


  • Quelles autres couleurs musicales trouve-t-on dans l’album ?

Il y a aussi beaucoup d’influences rock avec des sons saturés, et bien sûr le ndombolo, issu du chauffé-chauffé de Franco, que j’ai appelé Sebene ensuite… bien avant que n’apparaisse la danse ndombolo qui a ensuite donné son nom générique à cette musique.

Mais contrairement au ndombolo, j’ai voulu faire une musique pour interpeller les gens, pour les faire réfléchir, mais aussi pour donner des moments de respiration et d’apaisement…

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